Dans ce petit hameau barbare perdu au beau milieu des vastes étendues de la marche d'Argent, le Seigneur des lieux reçoit fièrement la visite impromptue d’un dignitaire de Lunargent.
Un homme au visage sec et intransigeant oubliant le protocole et l’étiquette, entre avec un empressement certain pour déposer une missive sur le bureau qui le séparait de son destinataire. Sans se démonter, et faisant abstraction de cette interruption cavalière, Laän Ysther demanda posément à son régisseur avec qui il s’entretenait de rester. Puis il se retourna lentement pour laisser apparaître un visage fatigué, buriné par l’inquiétude au regard noir de jais:
- Monsieur a qui ai-je l’honneur ?
- Sir O’neil Landechy, commandant de la légion d’argent …
- Ne vous a-t-on jamais appris le respect et la politesse due à mon rang de Seigneur, Gardiens des Sceaux ?
Perdant un peu de sa superbe, le légionnaire s’applique alors à faire une révérence de principe devant ce vieil homme orgueilleux et fière, peut être trop, du statut qu’on lui a confié il y a bien longtemps maintenant.
- Quelle est donc l’urgence de cette missive qui vous en fait perdre vos bonnes manières ?
- C’est à vous de me le dire, le bouché de Lypsoon Rivers?
Sans faire attention à cette allusion sortie de son passé qu’il croyait révolu, l’ancien chevalier errant de Lunargent dans sa grande lassitude sonda sa mémoire :
- Comment cela ? … Ah, oui ! … Vous devez accompagner l’envoyé de l’église de Kelmvor. Celui la même que nous attendions il y a un mois déjà pour la sanctification de son autel afin de conjurer les esprits qui nous..
- Non, non pas du tout ! Vous avez mendé prestement la présence en ces lieux reculés d’un détachement d’homme de la légion pour résoudre et je vous cite : « un sombre problème ».
- Je n’ai aucune connaissance de cette requête Monsieur. Et vous, frère Juste ?
Le régisseur qui se trouve être de l’obédience d’Ogma pris la lettre pour l’examiner. Il constata que c’est bien le sceaux du Seigneurs Ysther. Et sans relevait la tête répondit à demi mot :
- Je trouve leur présence bien venue même si on ne sait par quel miracle ils ont entendus nos prières.
- Vous avez donc quelques troubles qui perturbes la plénitude de se havre de paie ? Rétorqua le militaire pour de nouveau taquiner l’ancienne héro des marches.
Le Seigneur resta sourd un long moment à son invité et prit une moue dubitative sur la nature de cette missive. Qui ? Qui a bien pu colporter cette histoire ? Pourquoi ? …
Laconiquement il répondit :
- Oui !
- De quel ordre ? Ce sont des raides orcs ou l’insurrection de tribus Uthgardts qui vous..
En le coupant de nouveau dans ses divagations,Laän comme essoufflé lui répliqua :
- Non ! Les raides orcs sont notre lot quotidien mais nous arrivons, tant bien que mal, à les canaliser. Pour ce qui est des Uthgardts, je ne vous permets pas de remettre en question leur loyauté à notre communauté.
Faisant une courte pause car ne sachant pas comment le présenter simplement, le frère Juste ce permit de poursuivre :
- Le village subit depuis plus de quatre semaines les affres d’un terrible maléfice. La nuit venue nous sommes en proie à d’affreuses tourmentes. Les gens du village se voient frappés pour des cauchemars surnaturels. Les plus faibles sont morts d’angoisse ou emporter par on ne sait quels malédictions quand ce n’est pas l’apparition meurtrière d’une créature venu de nulle part…
Un frison parcouru l’échine du frère d’Ogma et donna l’occasion au commandant rompu à la peur et dénué de tout sentimentalisme de s’interroger de façon méthodique à haute voix :
- Mais d’où vient ce mal ? Qui le propage ? Quels sont les dommages collatéraux ? Que pouvons nous faire ?
Il s’interrompit pour mieux reprendre :
- Qui nous a conduit ici, si ce n’est pas vous ? D’ailleurs pourquoi vouliez vous le traiter en secret ?
- Ce n’est pas la question ! Pesta Ysther. Une fois passé une nuit dans le village, il est impossible d’en sortir vivant ! Pour quiconque… Le cauchemar nous rattrape et nous fait perdre les êtres que l’on aime…
Sur c’est mot, exténué nerveusement, il sanglota sans s’en rendre compte.
En se penchant vers le légionnaire, le régisseur lui glissa à voix base :
- Il a perdu sa famille comme plusieurs notables en tentant de les mettre à l’abris, loin, de la folie ambiante de ce lieu maudit..
Yster continua d’une voix encore plus fataliste :
- Partez vite, tant que vous en avez encore le temps. Car l’ombre du dragon plane sur nous et nous emportera tous dans son chant de mort !.
- Vous avez déjà entendu chanter une forêt ? Poursuivit le scribe un sourire nerveux aux lèvres.
- Non, mais vous divaguez !
Se prenant la tête à deux main, les coudes sur son bureau comme pour projeter son regard au loin, le seigneur tenta d’expliquer la situation :
- Au contraire, les uthgardts qui nous ont accueilli sur leurs terres sacrées m’ont rapporté que les esprits totémiques ancestraux de cette forêt sont perturbés depuis que l’ombre la hante. Et ces chants son les échos de leurs souffrances. D’étranges apparitions abondent en ce sens…
… Les trois hommes continuèrent à discuter des maux du village autour d’un godet de malt. Le régisseur relata les faits comme si il lisait une recette de cuisine. De la famille Finsley mort brûlé dans leur échoppe aux folies des sœurs Blisky en passant par les persiflages autour du cloître des souffrances et la recrudescence de voyageurs de tous poiles, uthgardts principalement … tous y est passé.
Landechy profita de ce dernier point abordé, pour lui relater une partie incongrue de son voyage :
« En chemin, alors que nous entrapercevions une colonne elfique qui se dirigeait tout droit sur votre chef-lieu, une petite horde d’orques nous est tombée dessus. Sans nul doute à la recherche de caravanes marchandes, car à la vue de la résistance armée ils se sont repliés comme des lièvres !! »
Sans étonnement, les deux hommes du cru continuèrent le recensement de tous les malheurs. Ils estimèrent le nombre de personnes encore présentes dans le village à une centaine d’âmes. Interrogateur, le commandant de la légion demanda « Ce qu’il compte faire pour solutionner ce mystère qui s’épaissi de jour en jour. »
D’un air détaché et résigné, Laän lui répondit qu’il ne pouvait pas grand-chose. Et dans un sursaut de bonne humeur, il convia le légionnaire à assister le soir même à un spectacle de troubadour.
Estomaqué par le coté improbable de l’invitation, O’neil se mit à rire. Et sur un ton sarcastique et péremptoire lui rétorqua :
- Et vous ne trouvez rien de mieux que de faire jouer une troupe de théâtre ..
Ne le laissant pas finir ce théocrate à la langue bien pendue, Laän riposta tranquillement laissant transpirer une certaine lassitude :
-La douleur est dans tous les cœurs ! Il nous faut soutenir le moral de la population. Et quoi de mieux qu’un divertissement frivole pour s’évader un instant de ce cauchemar.
Et le frère Juste de rajouter avec une petite pointe espièglerie:
- C’est une pièce que j’ai moi-même déterrée des ruines d’un ancien temple lors de ma précédente itinérance. La traduction ne fut pas aisée ! Mais le résultat sera surprenant ! « Le Chapitre Interdit » fera sans nul doute parler de lui …
Ven 2 Oct - 8:36